Dans les prochains mois, une nouvelle chaîne satellite, déjà active aux Etats-Unis, dédiée aux enfants de 0 à 24 mois est attendue dans notre pays, elle s'appellera BabyFirstTv. Les créateurs se défendent contre les critiques des experts (comme les pédiatres de l'Académie américaine de pédiatrie) qui affirment que les très jeunes enfants sont déjà placés devant la télévision et qu'il vaut donc mieux les consacrer à des programmes qui tiennent compte des besoins et des capacités perceptives typiques de cet âge. Les pédiatres (mais aussi les psychologues et les éducateurs) ont toujours affirmé que la télévision était dangereuse pour les enfants de moins de trois ans. Cette nouvelle proposition (aux visées clairement commerciales) risque de créer la confusion et le doute chez les parents ; il est peut-être nécessaire d'expliquer et de rappeler les raisons pour lesquelles les écrans de télévision doivent être interdits aux très jeunes enfants, même s'ils diffusent des programmes dédiés. Il est important de considérer l'âge minimal pour le cinéma et les écrans, surtout pour les plus jeunes.
Télévision à un âge sensible
Au cours des deux premières années de sa vie, l'enfant n'est pas encore capable de distinguer la réalité de la fantaisie, ni de faire des raisonnements abstraits ; il vit et pense par émotions et perceptions. Face à une structure psychologique aussi particulière, tout programme de télévision ne peut que provoquer une confusion extrême, en produisant des perceptions visuelles et sonores qui pourraient être comparées à de véritables hallucinations, avec le risque de déformer et de conditionner négativement la construction du sens de la réalité chez l'enfant.
Au cours de la première année de vie, l'enfant n'a pas encore atteint la maturation qui lui permet d'avoir une conscience de lui-même et de sa propre individualité, ce processus se déroule à travers la relation avec les personnes qui s'occupent de lui et l'interaction avec l'environnement. Dans une dynamique aussi complexe, la télévision ne peut que produire une interférence grave et dangereuse sans aucune possibilité de personnaliser et de finaliser les stimuli qui atteignent l'enfant. Il faut tenir compte de l'âge minimal pour le cinéma et autres écrans lors de l'exposition des enfants.
Au cours des deux premières années de la vie, la réalité spatiale et temporelle n'est pas vécue de manière objective et consciente, "les événements de l'enfant sont sans lien" (Fraiberg), ce sont les figures d'encadrement qui permettent à l'enfant d'assembler les "morceaux" de l'existence qui acquiert lentement un sens. Laisser ce rôle délicat à la télévision peut conduire l'enfant à se créer une image de la réalité complètement fausse et extérieure au contexte de sa vie.
Effets de la télévision sur le cerveau des enfants
Les études neuroscientifiques de ces dernières années ont permis de comprendre que le cerveau de l'enfant, au cours des deux premières années, développe des connexions nerveuses spécifiques responsables de l'activité cérébrale future. Les stimuli externes inclus dans les expériences de l'enfant orientent et conditionnent le type de structure qui s'organise progressivement. Les stimuli fournis par la télévision à cet âge sont capables de conditionner (dans un sens que personne n'a encore pu étudier) le développement et la maturation du cerveau. Des études scientifiques menées sur des enfants plus âgés (3-5 ans) ont montré qu'une utilisation excessive et inappropriée de la télévision est capable d'interférer avec les capacités linguistiques et la pensée mathématique, prédisposant dans certains cas au syndrome ADHA (attention deficit hyperactivity disorder).
Les recherches en neurosciences ont permis de découvrir que, dans les premières années de la vie, les "neurones miroirs" sont très actifs. En activant les processus d'imitation, ces neurones permettent d'amorcer l'apprentissage et la capacité de relations interpersonnelles et de communication (pratiquement la base et le sens de notre vie sociale). La télévision agit, chez les jeunes enfants, à un moment où ce mécanisme est encore immature et manque de tout filtre défensif. La question de l'âge minimal pour le cinéma est donc primordiale.
Une fausse interaction avec la télévision
Nous savons depuis longtemps que la pensée et les capacités cognitives des chiots de notre espèce doivent se développer grâce à l'interaction avec les personnes qui s'occupent d'eux. Pour grandir, un petit enfant a besoin de pouvoir toucher et être touché, de pouvoir envoyer un signal et recevoir une réponse, face à un visage déprimé ou sans expression, il est submergé par l'anxiété. Pour grandir, l'enfant a besoin de lancer un son et de recevoir en retour des paroles et des expressions rassurantes qui peuvent favoriser l'envoi d'autres signaux et stimuler d'autres "expériences". Toute cette interaction dynamique et spontanée est impossible pour le média télévision, qui n'est pas en mesure de répondre aux signaux-questions de l'enfant, et n'a pas non plus la possibilité de lui faire expérimenter quoi que ce soit.
L'opinion selon laquelle des stimuli adéquats provenant de la vidéo (télévision ou PC) peuvent stimuler l'intelligence des jeunes enfants est fausse. Dans les premières années de la vie, l'intelligence commence à se développer par la coordination entre la préhension et la vision, ce qui signifie voir un objet, le saisir, le goûter et, plus tard, le lancer (en faisant peut-être beaucoup de bruit et en faisant tout pour que quelqu'un le ramène, avec la volonté de répéter l'opération quelques milliers de fois). Même le développement du langage, et donc de la pensée abstraite, doit d'abord passer par l'expérience concrète d'objets auxquels, avec les parents, vous déciderez un jour d'attacher un nom. L'âge minimal pour le cinéma et les médias visuels doit être respecté pour un développement sain.
Les auteurs de ces nouveaux programmes définissent leurs contenus comme "éducatifs", mais au cours de la première année de vie, aucun enfant ne peut être véritablement "éduqué", car son existence est encore fondée sur des perceptions et des sensations, sans qu'il ait encore la possibilité de se rapporter à des schémas prédéfinis (autres que la simple interaction avec les personnes qui s'occupent de lui), à cet âge, pour conformer un enfant à des schémas extérieurs à ses besoins, il est nécessaire de mettre en place un processus plus proche de la domestication. Les processus éducatifs seront opérants plus tard, lorsque l'enfant sera devenu capable de relations conscientes et personnelles et qu'il aura commencé à communiquer directement avec les gens et l'environnement.